Il ne va pas de soi de faire entendre ce que Platon signifie par la célèbre image de la caverne et dès qu'il s'agit de prendre au sérieux la signification, les résistances se font jour. Nulle évidence en effet dans cette manière d'opposer un monde d'obscurité et un monde de lumière, tant chacun sait bien qu'il n'y a qu'un monde et que c'est dans celui-ci que nous avons à vivre. Mais il est clair qu'il y a différentes manières de l'habiter. La distinction de l'ombre et de la clarté, de l'apparence et de l'essence ne se joue pas hors de nous, dans ce qui s'imposerait comme une donnée ontologique. Elle se joue en nous dans la manière de nous projeter vers les choses. De sorte que lorsque Kant ramène les grandes questions de la philosophie que puis-je savoir ? que dois-je faire ? que m'est-il permis d'espérer ? à la question qu'est-ce que l'homme ? il a lui aussi le mérite de revenir au centre c'est-à -dire à l'être par lequel la question de l'être peut être posée. Car il n'y a pour nous de réel que de réel représenté. Ce n'est pas un hasard si le même mot représentation » désigne aussi bien la représentation mentale que la représentation théâtrale ou cinématographique. Nous sommes au monde comme au spectacle mais d'ordinaire nous l'ignorons. Le génie de Platon est d'inventer le cinéma vingt quatre siècles avant son apparition mais ce cinéma, ce n'est pas celui auquel nous nous rendons de temps en temps pour nous distraire, c'est celui qui définit notre condition. Car la salle de projection avec sa lumière artificielle, les images projetées sur l'écran, les montreurs de marionnettes aux commandes dans les coulisses, le spectateur jouet des manipulations qu'il méconnaît, c'est très exactement le rapport immédiat de l'homme au réel. L'allégorie de la caverne vend la mèche. Elle nous affranchit de notre naïveté en permettant au spectateur inconscient que chacun commence à être de se donner, une bonne fois pour toutes, le spectacle de sa condition de spectateur et du réel comme objet de spectacle. Sauf que la notion de spectacle n'est plus tout à fait pertinente car celui-ci n'est pas visible avec les yeux du corps. Le philosophe n'est pas un artiste encore que cela se discute. Rendre visible pour lui, ce n'est pas faire voir au moyen d'images, c'est rendre intelligible au moyen d'idées et cela n'est pas chose facile car celles-ci ne sont visibles qu'aux yeux de l'âme et nul ne sait vraiment ce qui promeut l'acuité de ces derniers. Si on le savait, on serait tous d'excellents éducateurs mais j'avoue n'être pas sortie de l'ombre sur ce point et si l'allégorie éclaire un peu les données du problème, elle ne permet pas tout à fait de comprendre pourquoi cet œil de l'âme se libère chez certains et restent décidément obscurci chez d'autres. En tout cas, Platon n'ignore pas la difficulté si bien qu'après avoir explicité les significations sous la forme austère de l'abstraction spéculative, il y revient en mobilisant les ressources du symbolisme pour les rendre accessibles. Mais une allégorie est une figure symbolique complexe et seul un travail minutieux de déchiffrement peut reconstituer les significations. La première image est donc celle d'une caverne. Métaphore de l'ignorance tant nous sommes habitués à utiliser le registre de la vision pour figurer celui de l'intellection. Une caverne est un espace obscur et dans l'obscurité on ne discerne pas clairement les choses. PB Mais enfin, rétorquera-t-on, cette accusation d'ignorance vaut pour un monde d'analphabètes. Ne vivons-nous pas dans un siècle éclairé et tous les enfants de France ne passent-ils pas par l'école obligatoire ? Certes... Et pourtant Platon, disait qu'il y a une manière d'aller au vrai en songe, il pensait aux mathématiques et à ce que nous appelons les sciences aujourd'hui, et même qu'il y a des opinions vraies. Qu'est-ce donc que la science et pourquoi tant qu'on n'a pas interrogé la nature des discours, leurs présupposés et leurs limites, est-on fondé à parler d'ignorance ? La caverne est aussi un espace clos or notre première expérience de la liberté est celle de la liberté de mouvement. Elle est donc la métaphore de la servitude ou de l'aliénation. Là encore la signification étonne. Ne vivons-nous pas dans un monde ayant institué la liberté dans le rapport politique et se préoccupant de libérer les jeunes des chaînes de l'ignorance ? PB Que veut dire Platon lorsqu'il pointe une servitude constitutive de la condition humaine dans sa spontanéité ? Il faudra comprendre ce à quoi renvoie l'image des chaînes pour s'en faire une idée précise. Mais la caverne, c'est aussi une demeure souterraine. Dans l'imaginaire grec, le souterrain est la demeure d'Hadès, le monde des morts. Est-ce à dire que notre vie qui se croit bien vivante l'est moins qu'il n'y paraît ? C'est bien ce que figure la caverne. Métaphore d'une vie qui est une forme de non-vie en comparaison de la vraie vie ouverte par l'éveil philosophique, la signification se fait ici énigme. Qui sait si vivre n'est pas mourir et si mourir n'est pas vivre » demande Socrate en citant les vers d'Euripide. Platon. La révélation philosophique semble avoir ici les accents de l'intuition poétique "la vraie vie est absente" affirme Rimbaud ou de l'intuition religieuse il faut mourir au péché pour échapper à la mort enseigne le christianisme. PB Que peut donc bien signifier l'idée qu'il faut mourir à cette mort qu'est la vie selon la loi de la caverne pour vivre vraiment ? S'il est vrai que philosopher c'est apprendre à mourir », quel est le véritable sens de cette formule? La suite du Gorgias donne des indications. Tu sais, en réalité, nous sommes morts. Je l'ai entendu dire par des hommes qui s'y connaissent ils soutiennent qu'à présent, nous sommes morts, que notre corps est un tombeau et qu'il existe un lieu dans l'âme, là où sont nos passions, un lieu ainsi fait qu'il se laisse influencer et ballotter d'un côté et de l'autre ».Ibid, 493a. Nouvel élément de compréhension. La caverne est la métaphore du corps et le corps est le tombeau de l'âme. Parenté du sôma le corps et du séma le tombeau. L'idée est sans doute d'origine pythagoricienne et demande un traitement prudent. Il ne faut jamais oublier qu'il s'agit de métaphores et qu'à les interpréter littéralement, on manque le sens philosophique. Là encore l'approfondissement de l'idée des chaînes doit permettre d'éviter les idées simplistes. Pas plus qu'il n'y a un monde de la caverne et un autre monde pour lequel on pourrait prendre son billet, il n'y a d'un côté l'âme et de l'autre le corps. L'homme est un mais il est vrai que ses élans ne semblent pas avoir leur source dans des instances homogènes. Il se vit comme un terrain où s'affrontent le haut et le bas, le supérieur et l'inférieur. Immanent au monde de la matière, de la terre par son corps, il se dresse vers le ciel et sent bien que les exigences de l'esprit le rattachent davantage à la transcendance. Il expérimente dans l'étonnement et le malaise son statut d'être ambigu, déchiré entre des postulations contradictoires. Amoureux de la beauté, de l'ordre et de l'harmonie, il se sent laid, chaotique et dissonant. Il est désir, tension entre la pauvreté qu'il est et la richesse qu'il aime. Il est bien atopos Topos lieu. A privatif. Comme Socrate. Sans lieu. Ni tout à fait de la terre, ni tout à fait du ciel. Ni bête, ni Dieu, homme simplement, c'est-à -dire tout sauf quelque chose de simple, d'apaisé, de satisfait de soi. Grandeur et misère de celui qui refuse d'être un animal, qui est travaillé par l'idée de la perfection divine mais qui en est expulsé. La caverne c'est l'oubli de cette inquiétude dans la somnolence d'une prison où l'homme essentiel ne peut pas se sentir chez lui. Le poète Novalis disait en ce sens que la philosophie est proprement la nostalgie-aspiration à être partout chez soi ». Impossible, en effet d'être chez soi dans un monde où les exigences de l'esprit sont sans cesse sacrifiées à des besoins et à des intérêts qui, pour avoir leur importance, n'épuisent pas l'horizon d'une vie proprement humaine. Partager Marqueursâme, animal, corps, Dieu, homme, immanence, monde intelligible, monde sensible, opinion, science, transcendance
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Le concept de vérité », compris comme dépendant de faits qui dépassent largement le contrôle humain, a été l’une des voies par lesquelles la philosophie a, jusqu’ici, inculqué la dose nécessaire d’ prestige de la science a longtemps tenu au fait qu’on lui conférait le pouvoir symbolique de proposer un point de vue surplombant sur le monde assise sur un refuge neutre et haut-placé, sûre d’elle-même, elle semblait se déployer à la fois au cœur du réel, tout près de la vérité et hors de l’humain. Cette image est aujourd’hui dépassée. Nous avons compris que la science n’est pas un nuage lévitant calmement au-dessus de nos têtes elle pleut littéralement sur nous. Ses mille et une retombées pratiques, qui vont de l’informatique à la bombe atomique en passant par les vaccins, les OGM et les lasers, sont diversement connotées et diversement appréciées ici, ce que la science permet de faire rassure ; là , ce qu’elle annonce angoisse. Tout se passe comme si ses discours, ses réalisations et ses avancées devaient constamment être interrogés, systématiquement mis en ballotage. 2Certes, cette situation n’est pas vraiment nouvelle ni spécialement postmoderne » à bien regarder en arrière, on constate que chaque fois que la science nous a permis d’agir librement sur des aspects de la réalité qui s’imposaient jusqu’alors à nous comme un destin, l’angoisse de commettre un sacrilège et la peur de sortir des contours de notre nature se sont exprimées de manière spectaculaire ainsi quand Galilée ouvrait à l’intelligibilité d’un univers où les mêmes lois valaient sur la terre comme au ciel ; ou quand Darwin inscrivit l’homme dans la chaîne de l’évolution des espèces ; a fortiori quand, aujourd’hui, le génie génétique, la procréation médicalement assistée, les nanotechnologies ou la biologie synthétique nous permettent d’obtenir de la vie biologique des effets dont elle paraissait incapable. 3Reste que la puissance de dévoilement de la science et l’impact des techno-sciences sur les modes de vie provoquent désormais des réactions de résistance qui semblent de plus en plus fortes, qu’elles soient d’ordre culturel, social ou idéologique ces réactions peuvent être le désir de réaffirmer son autonomie face à un processus qui semble nous échapper ; ou bien l’envie de défendre des idéaux alternatifs contre la menace d’un modèle unique de compréhension ou de développement ; ou bien encore la volonté de rendre sa pertinence au débat démocratique quand la complexité des problèmes tend à le confisquer au profit des seuls et société un rapport ambivalent4Notre rapport à la science est à l’évidence devenu ambivalent. Cela peut se voir sous forme condensée en mettant l’une en face de l’autre les deux réalités suivantes d’une part, la science nous semble constituer, en tant qu’idéalité c’est-à -dire en tant que démarche de connaissance d’un type très particulier qui permet d’accéder à des connaissances qu’aucune autre démarche ne peut produire, le fondement officiel de notre société, censé remplacer l’ancien socle religieux nous ne sommes certes pas gouvernés par la science elle-même, mais au nom de quelque chose qui a à voir avec elle. C’est ainsi que dans toutes les sphères de notre vie, nous nous trouvons désormais soumis à une multitude d’évaluations, lesquelles ne sont pas prononcées par des prédicateurs religieux ou des idéologues illuminés elles se présentent désormais comme de simples jugements d’ experts », c’est-à -dire qu’elles sont censées être effectuées au nom de savoirs et de compétences de type scientifique, et donc, à ce titre, impartiaux et objectifs. Par exemple, sur nos paquets de cigarettes, il n’est pas écrit que fumer déplaît à Dieu ou compromet le salut de notre âme, mais que fumer tue ». Un discours scientifique, portant sur la santé du corps, a pris la place d’un discours théologique qui, en l’occurrence, aurait plutôt porté sur le salut de l’âme. 5Mais d’autre part – et c’est ce qui fait toute l’ambiguïté de l’affaire –, la science, dans sa réalité pratique, est questionnée comme jamais, contestée, remise en cause, voire marginalisée. Elle est à la fois objet de désaffection de la part des étudiants les jeunes, dans presque tous les pays développés, se destinent de moins en moins aux études scientifiques, de méconnaissance effective dans la société nous devons bien reconnaître que collectivement, nous ne savons pas trop bien ce qu’est la radioactivité, en quoi consiste un OGM, ce que sont et où se trouvent les quarks, ce qu’implique la théorie de la relativité et ce que dirait l’équation E = mc2 si elle pouvait parler, et, enfin et surtout, elle subit toutes sortes d’attaques, d’ordre philosophique ou politique. 6La plus importante de ces attaques me semble être le relativisme radical » cette école philosophique ou sociologique défend l’idée que la science a pris le pouvoir non parce qu’elle aurait un lien privilégié avec le vrai », mais en usant et abusant d’arguments d’autorité. En somme, il ne faudrait pas croire à la science plus qu’à n’importe quelle autre démarche de connaissance. Monsieur, personnellement, je ne suis pas d’accord avec Einstein… »7Une anecdote m’a permis de prendre conscience de cette évolution. Récemment, j’ai eu l’occasion de donner un cours de relativité et non de relativisme… à de futurs ingénieurs. Alors que je venais d’effectuer un calcul montrant que la durée d’un phénomène dépend de la vitesse de l’observateur, un étudiant prit la parole Monsieur, personnellement, je ne suis pas d’accord avec Einstein ! » J’imaginai qu’il allait défendre une théorie alternative, ou bien réinventer l’éther luminifère, en tout cas qu’il allait argumenter. Mais il se contenta de dire Je ne crois pas à cette relativité des durées que vous venez de démontrer, parce que je ne la… sens pas ! » Là , j’avoue, j’ai éprouvé une sorte de choc ce jeune homme qui n’avait certainement pas lu Einstein avait suffisamment confiance dans son ressenti » personnel pour s’autoriser à contester un résultat qu’un siècle d’expériences innombrables avait cautionné. Je découvris à cette occasion que lorsqu’elle se transforme en alliée objective du narcissisme, la subjectivité semble avoir du mal à s’incliner devant ce qui a été objectivé si ce qui a été objectivé la dérange ou lui déplaît. 8On ne saurait donner à cette anecdote une portée générale, mais elle me semble tout de même indicatrice d’un changement de climat culturel qui explique au passage la facilité déconcertante avec laquelle a pu se développer en France la vraie-fausse controverse sur le changement climatique. Aujourd’hui, notre société semble en effet parcourue par deux courants de pensée apparemment contradictoires. D’une part, on y trouve un attachement intense à la véracité, un souci de ne pas se laisser tromper, une détermination à crever les apparences pour atteindre les motivations réelles qui se cachent derrière, bref une attitude de défiance généralisée. Mais à côté de ce désir de véracité, de ce refus d’être dupe, il existe une défiance tout aussi grande à l’égard de la vérité elle-même la vérité existe-t-elle ?, se demande-t-on. Si oui, peut-elle être autrement que relative, subjective, culturelle ? Ce qui est troublant, c’est que ces deux attitudes, l’attachement à la véracité et la suspicion à l’égard de la vérité, qui devraient s’exclure mutuellement, se révèlent en pratique parfaitement compatibles. Elles sont même mécaniquement liées, puisque le désir de véracité suffit à enclencher au sein de la société un processus critique qui vient ensuite fragiliser l’assurance qu’il y aurait des vérités sûres [1]. 9Le fait que l’exigence de véracité et le déni de vérité aillent de pair ne veut toutefois pas dire que ces deux attitudes fassent bon ménage. Car si vous ne croyez pas à l’existence de la vérité, quelle cause votre désir de véracité servira-t-il ? Ou – pour le dire autrement – en recherchant la véracité, à quelle vérité êtes-vous censé être fidèle ? Il ne s’agit pas là d’une difficulté seulement abstraite ni simplement d’un paradoxe cette situation entraîne des conséquences concrètes dans la cité réelle et vient nous avertir qu’il y a un risque que certaines de nos activités intellectuelles en viennent à se désintégrer. 10Grâce à la sympathie intellectuelle quasi spontanée dont elles bénéficient, les doctrines relativistes contribuent à une forme d’illettrisme scientifique d’autant plus pernicieuse que celle-ci avance inconsciente d’elle-même. Au demeurant, pourquoi ces doctrines séduisent-elles tant ? Sans doute parce que, interprétées comme une remise en cause des prétentions de la science, un antidote à l’arrogance des scientifiques, elles semblent nourrir un soupçon qui se généralise, celui de l’imposture Finalement, en science comme ailleurs tout est relatif. » Ce soupçon légitime une forme de désinvolture intellectuelle, de paresse systématique, et procure même une sorte de soulagement dès lors que la science produit des discours qui n’auraient pas plus de véracité que les autres, pourquoi faudrait-il s’échiner à vouloir les comprendre, à se les approprier ? Il fait beau n’a-t-on pas mieux à faire qu’apprendre sérieusement la physique, la biologie ou les statistiques ? 11En 1905, Henri Poincaré publiait un livre intitulé La valeur de la science. Un siècle plus tard, cette valeur de la science semble de plus en plus contestée, non pas seulement par les philosophes d’inspiration subjectiviste ou spiritualiste, toujours prompts à exploiter ce qui ressemble de près ou de loin à une crise » de la science, mais aussi par une partie de l’opinion. Dans cette méfiance à l’égard du mode de pensée scientifique, peut-être faut-il lire une sorte de pusillanimité à l’égard de la vérité et de ses conséquences. On se souvient de ce que Musil disait d’Ulrich, le personnage principal de L’Homme sans qualités, dont on devine qu’il aurait sans doute jeté un regard sévère sur nos façons de penser Pendant des années, Ulrich avait aimé la privation spirituelle. Il haïssait les hommes incapables, selon le mot de Nietzsche, “de souffrir la faim de l’âme par amour de la vérité” ; ceux qui ne vont pas jusqu’au bout, les timides, les douillets, ceux qui consolent leur âme avec des radotages sur l’âme et la nourrissent, sous prétexte que l’intelligence lui donne des pierres au lieu de lui donner du pain, de sentiments qui ressemblent à des petits pains trempés dans du lait. [2] »La science dit-elle le vrai » ?12Engagés dans une altercation séculaire, le doute et la certitude forment un couple turbulent mais inséparable, dont les aventures taraudent la réflexion européenne depuis ses débuts le partage entre ce que l’on sait et ce que l’on croit savoir n’a pas cessé de hanter les philosophes, et, de Socrate à Wittgenstein en passant par Pyrrhon et Descartes, les critères du vrai n’ont cessé d’être auscultés et discutés. Ce qui est certain, est-ce ce qui a résisté à tous les doutes ? Ou bien est-ce ce dont on ne peut pas imaginer de douter ? La vérité plane-t-elle au-dessus du monde ou est-elle déposée dans les choses et dans les faits ? Peut-on faire confiance à la science pour aller l’y chercher ? 13Ces questions constituent d’inusables sujets de dissertation, ce qui ne les empêche d’avoir une brûlante actualité l’air du temps accuse désormais la science d’être un récit parmi d’autres et l’invite à davantage de modestie, parfois même à rentrer dans le rang ». 14Mais dans le même temps et c’est ce qui éclaire d’une autre manière l’ambivalence de la situation, les discours scientifiques aux accents triomphalistes prolifèrent une certaine biologie prétend bientôt nous dire de façon intégrale et définitive ce qu’il en est vraiment de la vie ; et régulièrement, des physiciens théoriciens aux allures de cadre supérieur de chez Méphistophélès affirment qu’ils sont en passe de découvrir la Théorie du Tout » qui permettra une description à la fois exacte et totalisante de ce qui est. Le physicien américain Brian Greene, par exemple, déclare attendre de la théorie des supercordes, actuellement à l’ébauche, qu’elle dévoile le mystère des vérités les plus fondamentales de notre Univers [3] ». Quant à Stephen Hawking, il concluait l’un de ses livres par ces mots incroyables Si nous parvenons vraiment à découvrir une théorie unificatrice, elle devrait avec le temps être compréhensible par tout le monde dans ses grands principes, pas seulement par une poignée de savants. Philosophes, scientifiques et personnes ordinaires, tous seront capables de prendre part à la discussion sur le pourquoi de notre existence et de notre univers. Et si nous trouvions un jour la réponse, ce sera le triomphe de la raison humaine, qui nous permettrait alors de connaître la pensée de Dieu. [4] » La pensée de Dieu ? Bigre ! Comme s’il allait de soi que Dieu pense », et qu’une équation pourrait nous dire ce qu’Il pense… 15Aujourd’hui, s’agissant de sa capacité à saisir la vérité des choses, la science se trouve manifestement tiraillée entre l’excès de modestie et l’excès d’enthousiasme. 16La vérité, un idéal régulateur ». – Einstein expliquait sa motivation inoxydable par son besoin irrésistible de s’évader hors de la vie quotidienne, de sa douloureuse grossièreté et de sa désolante monotonie [5] », et d’espérer ainsi découvrir des vérités scientifiques ». Détourner les chercheurs de cet idéal régulateur, de cette force motrice, reviendrait à détendre les ressorts de leur engagement, de leur volonté, de leur motivation. Pour espérer avancer, ils doivent impérativement croire sinon à l’accessibilité de la vérité, du moins à la possibilité de démasquer les contre-vérités. Et sans doute doivent-ils aussi adhérer implicitement à une conception modérément optimiste, selon laquelle la vérité, dès lors qu’elle est dévoilée, peut-être reconnue comme telle ; et, si elle ne se révèle pas d’elle-même, croire qu’il suffit d’appliquer la méthode scientifique pour finir par s’en approcher, voire la découvrir personne ne veut passer sa vie à effectuer un travail à la Sisyphe. 17Pareille attitude, assez répandue, ne signifie nullement que les chercheurs puissent trouver la vérité, mais au moins qu’ils la cherchent. Et s’ils la cherchent, c’est qu’ils ne l’ont pas encore trouvée. D’où leurs airs tantôt arrogants parce qu’à force de chercher, ils obtiennent des résultats, font des découvertes, accroissent leurs connaissances, tantôt humbles parce que, du fait qu’ils continuent de chercher, ils ne peuvent jamais prétendre avoir bouclé leur affaire. Dans son élan même, l’activité scientifique a donc partie liée avec l’idée de vérité c’est bien elle qu’elle vise plutôt que l’erreur. Pour autant, le lien science-vérité est-il exclusif ? La science a-t-elle le monopole absolu du vrai » ? Serait-elle la seule activité humaine qui soit indépendante de nos affects, de notre culture, de nos grands partis pris fondateurs, du caractère contextuel de nos systèmes de pensée ? Tel semble être le grand débat d’aujourd’hui. 18Quelques-unes des thèses en présence. – Certains soutiennent qu’il n’y a pas d’autre saisie objective du monde que la conception scientifique le monde ne serait rien de plus que ce que la science en dit ; avec leur symbolisme purifié des scories des langues historiques, les énoncés scientifiques décrivent le réel ; les autres énoncés, qu’ils soient métaphysiques, théologiques ou poétiques, ne font qu’exprimer des émotions ; bien sûr, cela est parfaitement légitime, et même nécessaire, mais il ne faut pas confondre les ordres. 19Aux antipodes de cette conception positiviste, d’autres considèrent que la vérité est surtout un mot creux, une pure convention. Elle ne saurait donc être considérée comme une norme de l’enquête scientifique, et encore moins comme le but ultime des recherches. Certains sociologues des sciences ont ainsi pu prétendre que les théories scientifiques tenues pour vraies » ou fausses » ne l’étaient pas en raison de leur adéquation ou inadéquation avec des données expérimentales, mais seulement en vertu d’intérêts purement sociologiques [6]… En clair, il faudrait considérer que toutes nos connaissances sont conventionnelles et artificielles, donc gommer l’idée qu’elles pourraient avoir le moindre lien avec la réalité. 20Ces auteurs dénoncent également l’idéologie de l’objectivité scientifique, arguant que les chercheurs sont des gens partisans, intéressés, et que leurs jugements sont affectés par leur condition sociale, leurs ambitions ou leurs croyances. Selon eux, l’objectivité de la science devrait nécessairement impliquer l’impartialité individuelle des scientifiques eux-mêmes elle serait une sorte de point de vue de nulle part, situé au-dessus des passions, des intuitions et des préjugés. Or, avancent-ils, la plupart du temps, les chercheurs ne sont pas impartiaux. Par exemple, ils ne montrent guère d’empressement à mettre en avant les faiblesses de leurs théories ou de leurs raisonnements. L’esprit scientifique, au sens idéal du terme, serait donc introuvable, et la prétendue objectivité de la science ne serait que la couverture idéologique de rapports de forces dans lesquels la nature n’a pas vraiment son mot à dire. Tout serait créé, et en définitive, la physique en dirait moins sur la nature que sur les physiciens. 21La meilleure parade contre ce genre de raisonnements consiste sans doute à faire remarquer que si l’objectivité de la science était entièrement fondée sur l’impartialité ou l’objectivité de chaque scientifique, nous devrions lui dire adieu. Nous vivons tous dans un océan de préjugés et les scientifiques n’échappent pas à la règle. S’ils parviennent à se défaire de certains préjugés dans leur domaine de compétence, ce n’est donc pas en se purifiant l’esprit par une cure de désintéressement. C’est plutôt en adoptant une méthode critique qui permet de résoudre les problèmes grâce à de multiples conjectures et tentatives de réfutation, au sein d’un environnement institutionnel qui favorise ce que Karl Popper appelait la coopération amicalement hostile des citoyens de la communauté du savoir ». Si consensus il finit par y avoir, celui-ci n’est donc jamais atteint qu’à la suite d’un débat contradictoire ouvert. Ce consensus n’est pas lui-même un critère absolu de vérité, mais le constat de ce qui est, à un moment donné de l’histoire, accepté par la majorité d’une communauté comme une théorie susceptible d’être vraie. 22N’y a-t-il pas en outre quelque chose de bancal dans l’argumentation des relativistes les plus radicaux ? Car contrairement à ce qui se passe avec l’histoire – où la contestation de l’histoire officielle doit elle-même s’appuyer sur l’histoire, c’est-à -dire sur de nouvelles données historiques – les dénonciations des sciences exactes ne se basent jamais sur des arguments relevant des sciences exactes. Elles s’appuient toujours sur l’idée étonnante qu’une certaine sociologie des sciences serait mieux placée pour dire la vérité des sciences que les sciences ne le sont pour dire la vérité du monde… En somme, il faudrait se convaincre que la vérité n’existe pas, sauf lorsqu’elle sort de la bouche des sociologues des sciences qui disent qu’elle n’existe pas… 23Certes, nul n’ignore que, par exemple, des intérêts militaires ont contribué à l’essor de la physique nucléaire. Cela relève d’ailleurs de la plus parfaite évidence la périphérie de la science et son contexte social influencent son développement. Mais de là à en déduire que de tels intérêts détermineraient, à eux seuls, le contenu même des connaissances scientifiques, il y a un pas qui me semble intellectuellement infranchissable. Car si tel était le cas, on devrait pouvoir montrer que nos connaissances en physique nucléaire exprimeraient, d’une manière ou d’une autre, un intérêt militaire ou géopolitique. Or, si l’humanité décidait un jour de se débarrasser de toutes ses armes nucléaires, il est peu probable que cette décision changerait ipso facto les mécanismes de la fission de l’uranium ou du plutonium…L’efficacité de la science tiendrait-elle du miracle ?24Si l’atome et la physique quantique, pour ne prendre que ces deux exemples, n’étaient que de simples constructions sociales, il faudrait aussi expliquer par quelle succession de miracles » – oui, c’est le mot – on a pu parvenir à concevoir des lasers. Si les lasers existent et fonctionnent, n’est-ce pas l’indice qu’il y a un peu de vrai » dans les théories physiques à partir desquelles on a pu les concevoir, de vrai » avec autant de guillemets que l’on voudra et un v » aussi minuscule qu’on le souhaitera ? En définitive, le fait que les lasers fonctionnent n’est-il pas la preuve rétrospective que Planck, Einstein et les autres avaient bel et bien compris deux ou trois choses non seulement à propos d’eux-mêmes ou de leur culture, mais – osons le dire – à propos des interactions entre la lumière et la matière ? 25La sociologie des sciences a certainement raison d’insister sur l’importance du contexte dans la façon dont la science se construit. Mais faut-il tirer de ce constat, au bout du compte, des conclusions aussi relativistes que certaines des siennes ? Il est permis d’en douter. Car il serait difficile d’expliquer d’où vient que les théories physiques, telles la physique quantique ou la théorie de la relativité, marchent » si bien si elles ne disent absolument rien de vrai. Comment pourraient-elles permettre de faire des prédictions aussi merveilleusement précises si elles n’étaient pas d’assez bonnes représentations de ce qui est ce serait trop dire cependant que d’en déduire qu’elles ne peuvent dès lors qu’être vraies. En la matière, le miracle – l’heureuse coïncidence – est très peu plausible. Mieux vaut donc expliquer le succès prédictif des théories physiques nous parlons ici de celles qui n’ont jamais été démenties par l’expérience en supposant qu’elles nous parlent de la nature, et qu’elles arrivent à se référer, plus ou moins bien, à cette réalité-là . Et que, sans arguments complémentaires, nos affects, nos préjugés, nos intuitions ne sont guère en mesure de les contester sur leur terrain de jeu. 26Reste bien sûr que les sciences ne traitent vraiment bien que des questions… scientifiques. Or celles-ci ne recouvrent pas l’ensemble des questions qui se posent à nous. Du coup, l’universel que les sciences mettent au jour est, par essence, incomplet il n’aide guère à trancher les questions qui restent en dehors de leur champ. En particulier, il ne permet pas de mieux penser l’amour, la liberté, la justice, les valeurs en général, le sens qu’il convient d’accorder à nos vies. L’universel que produisent les sciences ne définit pas davantage la vie telle que nous aimerions ou devrions la vivre, ni ne renseigne sur le sens d’une existence humaine comment vivre ensemble ? Comment se tenir droit et au nom de quoi le faire ? De telles questions sont certes éclairées par la science, et même modifiées par elle – un homme qui sait que son espèce n’a pas cessé d’évoluer et que l’univers est vieux d’au moins 13,7 milliards d’années ne se pense pas de la même façon qu’un autre qui croit dur comme fer qu’il a été créé tel quel en six jours dans un univers qui n’aurait que six mille ans –, mais leur résolution ne peut se faire qu’au-delà de son horizon. Notes [*] Physicien, Directeur de recherche au CEA. [1] On trouvera une excellente analyse de ce paradoxe dans l’ouvrage de Bernard Williams, Vérité et véracité, NRF Essais, Gallimard, 2006. [2] Robert Musil, L’Homme sans qualités, traduit par Philippe Jaccottet, Seuil, vol. I, 2004, chap. XIII, p. 67-68. [3] Brian Greene, L’Univers élégant, trad. C. Laroche, Paris, Robert Laffont, 2000, p. 37. [4] Stephen Hawking, Une brève histoire du temps, trad. I. Naddeo-Souriau, Paris, Flammarion, 1989, p. 213. [5] Albert Einstein, Autoportrait, Inter-Editions, 1980, p. 86. [6] Steven Shapin et Simon Schaffer écrivent par exemple ceci En reconnaissant le caractère conventionnel et artificiel de toutes nos connaissances, nous ne pouvons faire autrement que de réaliser que c’est nous-mêmes, et non la réalité, qui sommes à l’origine de ce que nous savons » Léviathan et la pompe à air. Hobbes et Boyle entre science et politique, tr. Thierry Piélat, Paris, Éditions La Découverte, 1993, p. 344.
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La vraie science est une ignorance qui se sait.» – Montaigne Autres citations que vous pourriez aimer No related posts.
Véritableignorance ou stupidité consciencieuse. Des présidents d\'universités et collèges historiquement noirs ont été accueillis dans le bureau Ovale hier. (Photo AP)
32 Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? Faut-il chercher à savoir ou à connaître ? Comment apprendre véritablement ? Au premier abord, savoir et connaissance semblent synonymes. En réalité, ces termes renvoient à deux manières d’apprendre bien différentes, voire opposées. On peut faire la distinction suivante entre savoir et connaissance le savoir, ou science, est une somme d’informations accumulées ; il peut s’acquérir et se transmettre par un enseignement ou par des livres, la connaissance parfois avec un C majuscule est la tentative d’accéder à la vérité ultime. C’est une quête de réponses aux grandes questions existentielles que l’Homme se pose. Voyons la vraie nature de la différence entre savoir et connaissance. Contrairement au savoir, la connaissance est difficilement exprimable ; elle ne peut se transmettre car elle a trait à la progression de chacun sur son propre chemin. D’autre part, la connaissance fait appel à l’intuition, elle tente d’explorer de nouvelles voies au-delà des savoirs déjà acquis. En réalité, le chemin de la connaissance nécessite parfois d’abandonner ses acquis. Certes, les savoirs peuvent constituer des points d’appui pour le cherchant, mais ils peuvent aussi représenter des obstacles à la conquête de nouveaux horizons. Car celui qui est persuadé de savoir quelque chose a tendance à abandonner sa posture de recherche il ne voit plus du monde qu’à travers ce qu’il croit. Ses certitudes deviennent alors des illusions et renforcent paradoxalement son ignorance. Ainsi, avoir pour seule certitude le fait que l’on est ignorant est le seul moyen de rester en quête de la connaissance. Plus on se sait ignorant, mieux on apprend Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Socrate Par conséquent, la différence entre savoir et connaissance peut s’exprimer ainsi le savoir est un acquis tandis que la connaissance est un chemin, le savoir est récitation, la connaissance est compréhension et appropriation, le savoir est affirmation alors que la connaissance est questionnement, le savoir est certitude, la connaissance est doute, le savoir est accumulation, la connaissance est dépouillement Il faut apprendre à désapprendre. Citons aussi Le Maître dit Iou, veux-tu que je t’enseigne le moyen d’arriver à la connaissance ? Ce qu’on sait, savoir qu’on le sait ; ce qu’on ne sait pas, savoir qu’on ne le sait pas c’est savoir véritablement ». Entretiens de Confucius Je hais les livres, ils n’apprennent qu’à parler de ce qu’on ne sait pas. Rousseau La différence entre savoir et connaissance dans le taoïsme. Fondateur du taoïsme au VIème siècle avant J-C, Lao-tseu établit lui-aussi une distinction claire entre savoir et connaissance Ne pas savoir est la vraie connaissance. Présumer savoir est une maladie. Prends d’abord conscience que tu es malade ; alors tu pourras recouvrer la santé. Le Maître est son propre médecin. Il s’est guéri de tout savoir, ainsi est-il véritablement sain. Tao Te King, 71 Ce qu’apprend le Maître, c’est à désapprendre. Tao Te King, 64 Dans la recherche du savoir, chaque jour quelque chose est ajouté. Dans la pratique du Tao, chaque jour quelque chose est abandonné. Tao Te King, 48 Distinction entre savoir et connaissance chez Spinoza. Spinoza distingue trois niveaux ou genres » de connaissance Les perceptions ou connaissance par expérience vague » idées sans ordre valable, opinions confuses, imagination… La raison pensée ordonnée qui permet de saisir les propriétés des choses, La Science intuitive appréhension à la fois intuitive et rationnelle des lois fondamentales, menant à la compréhension de l’essence des choses. Ainsi Le premier genre est sensation, illusion et habitude, Le deuxième genre est rationnel et déductif c’est le savoir scientifique, mais qui ne peut s’appuyer que sur des concepts. Ce savoir répond à la question comment ? » Le troisième genre donne accès à la connaissance suprême l’intuition dévoile l’évidence. Cette connaissance répond à la question pourquoi ? » Comment
On est semble-t-il amené logiquement à la conclusion que Socrate cherchait à établir : en effet, ce n'est pas en la présence de ce qui est considéré comme la science au sens propre que se produit la passion dont il s'agit, pas plus que ce n'est la vraie science qui est tiraillée par la passion, mais c'est lorsqu'est présente la connaissance sensible.
Société La pandémie de Covid-19 a rendu les savants fous pour le plus grand bonheur du politique, explique notre chroniqueur Guillaume Bigot. Publié le 22 décembre 2020 à 10h00 Emmanuel Macron, Olivier Véran et Jérôme Salomon. Photo © Bertrand GUAY / POOL / AFP La pandémie de Covid-19 est un événement imprévisible qui a pris le monde entier au dépourvu. Du jour au lendemain, il a fallu s’y adapter et prendre des décisions dans l’urgence. C’est ainsi que naturellement, les décideurs se sont tournés vers les médecins et les experts pour savoir quoi penser et quoi faire de ce virus inconnu. Avec un peu de recul, on réalise que les scientifiques eux-mêmes ont été pris au dépourvu et que nombre d’entre eux ont abandonné ce qui fondait leur supériorité, c’est-à -dire, leur extrême rigueur méthodologique. On se souvient du Lancetgate où l’un des meilleurs journaux médicaux du monde s’est en partie décrédibilisé en publiant une étude bidonnée uniquement destinée à prouver la dangerosité supposée de l’hydroxychloroquine. Un article qui a finalement été retiré. Or, l’arbre du Lancetgate cache une forêt d’approximations. C’est ce que tend à prouver un article passionnant qui vient de paraître dans BMC Medical Research Methodology, l’une des meilleures revues de méthodologie médicale du monde. Un consortium de chercheurs français, chinois et américains en épidémiologie et statistiques a passé au peigne fin les 11 000 études scientifiques consacrées à la Covid pendant la première vague pandémique. Le résultat de leur grande étude des études est édifiant. 30% des publications étaient des preprints, c’est-à -dire n’ayant pas été revues par un comité de lecture. Parmi les études revues, 60% étaient de simples lettres d’opinions, des avis ou des éditoriaux ne contenant aucune donnée. Donc, seulement 10 % des publications dans des journaux scientifiques consacrées au Covid étaient vraiment scientifiques. Plus surprenant encore, 80% de ces 10 % d’études comportaient des biais importants. C’est pourtant sur le fondement de ces 11 000 études que des décisions politiques et économiques ont été prises. Le consortium de chercheurs ne vise pas à décrédibiliser la recherche scientifique. Ils reconnaissent simplement que le Covid a produit une sorte d’urgence à publier. Si les scientifiques ont été victimes d’un effet d’emballement, les politiques les ont peu aidé à résister à la pression. Lorsqu’ils sont associés à la décision, les experts tendent hélas à dire au pouvoir ce qu’il a envie d’entendre. C’est ce que l’on a vu, cette semaine encore, avec le rapport commandé par le gouvernement, réalisé par l’Institut Pasteur et piloté par le professeur Fontanet, membre du conseil scientifique. Ce rapport très attendu est consacré aux mécanismes et aux lieux de transmission de la Covid. Cette étude est d’abord très questionnable sur le plan méthodologique puisqu’elle portait sur 25 640 contaminés dont à peine 8 % ont répondu à l’enquête. Ensuite, elle tend notamment à montrer que si la fermeture des commerces était inutile, celle des bars et des restaurants était parfaitement fondée. Le seul hic, c’est que les bars et les restaurants étaient déjà partiellement fermés lorsque l’étude a démarrée. Un obstacle balayé par le professeur Fontanet qui laisse entendre qu’il y a eu des bars et restaurants ouverts de façon clandestine pendant le confinement ». Ce genre de supputations n’a, bien sûr, rien de scientifique. Il est facile de faire dire à une étude ce qu’elle ne dit pas. Celle-ci ne vaut souvent que par l’interprétation et la présentation qui en est faite. Si la science, convenablement appliquée, est fiable, les scientifiques ne le sont pas toujours. La vraie science, disait Montaigne, est toujours une ignorance qui se sait. Quant aux effets de la fréquentation du pouvoir, laissons la parole à Jean de la Fontaine Il ne faut à la cour ni trop voir, ni trop dire. » Et lorsque le pouvoir est déçu par le résultat d’une expertise scientifique, le mieux est encore de demander à l’expert de revoir sa copie afin de ne pas contredire la politique. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. C’est exactement ce qu’a fait le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, lorsqu’il a pris connaissance des conclusions du rapport du professeur Stahl. Ce rapport, remis en août 2018, recommandait la reconstitution d’un stock d’un milliard de masques en cas de pandémie. Comme l’a révélé la Commission d’enquête du Sénat, Jérôme Salomon n’a pas hésité à demander à ce professeur au CHU de Grenoble de reformuler les conclusions de son rapport pour ne pas contredire trop ouvertement la politique gouvernementale de restriction budgétaire.
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Citation ignorance Sélection de 30 citations sur le sujet ignorance - Trouvez une citation, une phrase, un dicton ou un proverbe ignorance issus de livres, discours ou entretiens. Page 1 sur un total de 2 pages. <12345 Citations ignoranceIl y a un plaisir austère à rester étonné, et si les philosophes que nous étudions ont une fonction, c'est moins celle de compenser notre ignorance par leur savoir, que celle de nous accompagner dans notre évolution personnelle. Faire la philosophie, pierre-yves bourdil, édition les editions du cerf, 1996 isbn 2-204-05438-0, p. 38 - Pierre-Yves BourdilAurélie avait un peu honte de son ignorance. Arsène Lupin lui avait toukours semblé aussi ringard que Fantômas ou Rouletabille. Mais à Etretat, c'était quasiment une icône. Un hôtel se targuait même de louer la chambre où il avait dormi ! L'ivresse des falaises - Philippe HuetNe croyez pas que, lorsque je parle de mon ignorance crasse, ce soit par plaisanterie. Non, c'est la vérité pure. Correspondance - Giuseppe VerdiLa science n'est rien du tout. Elle ne sert à impressionner ceux qui n'y connaissent rien. Les vrais scientifiques savent qu'on ne sait rien et que plus on avance, plus on s'aperçoit de son ignorance. Le jour des fourmis - Bernard WerberNous ne disposons même pas du savoir qui nous permettrait de mesurer notre ignorance. L'empire des anges - Bernard WerberLes ténèbres du Moyen Age ne sont que celles de notre ignorance. La grande clarte du moyen-age - Gustave CohenC'est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Celui qui ne sait rien croit enseigner aux autres ce qu'il vient d'apprendre lui-même celui qui sait beaucoup pense à peine que ce qu'il dit puisse être ignoré, et parle plus indifféremment. Les caractères de la bruyère édition 1822 - Jean de La BruyèreLa science ne sert guère qu'à nous donner une idée de l'étendue de notre ignorance. Oeuvres de m. l'abbe f. de lamennais édition 1830 - Félicité Robert de LamennaisLe peu que je sais, c'est à mon ignorance que je le dois. Toutes reflexions faites, sacha guitry, édition presses pocket n°2377, 1985, p. 126 - Sacha GuitryC'est en prouvant leur ignorance aux ignorants qu'on les fait progresser. Les thanatonautes - Bernard WerberAllah je refuse que Tu sois un Dieu bouche-trou, que Tu sois la réponse à toutes mes questions et spécialement la réponse à mes ignorances Sinon, ça fait de moi une conne. Et je ne suis pas une conne. Sauf des fois, c'est vrai... Confidences a allah - Saphia AzzeddineUne docte ignorance est une ignorance qui se connaît. Joseph joubert pensees, jugements et notations, édition jose corti editions, 1989 - Joseph JoubertL'âme ? Ce n'est qu'un nom pour notre ignorance. Dernières nouvelles des choses, Roger-Pol Droit, éd. Odile Jacob, 2003, p. 179 - Roger-Pol DroitAvant ils riaient de moi, me méprisaient pour mon ignorance et ma lenteur d'esprit maintenant, ils me hassaient pour mon savoir et ma facilité de compréhension. Pourquoi cela mon Dieu ? Qu'auraient-ils voulu que je fasse ? Des fleurs pour algernon - Daniel KeyesL'ignorance qui se sait, qui se juge et qui se condamne, ce n'est pas une entière ignorance pour l'être, il faut qu'elle s'ignore soi-même. Montaigne auteur de maximes édition 1968 - Michel de MontaigneMontrez-moi un homme heureux, moi, je vous montrerai la suffisance, l'égoïsme, la malignité... à moins que ce ne soit la totale ignorance. Le fond du probleme 1948 - Graham GreeneNous nous plaignons de notre ignorance, mais c'est elle qui fait presque tout le bien du monde ne prévoir pas, fait que nous nous engageons. Oeuvres complètes de bossuet édition 1863 - Jacques-Bénigne BossuetÊtre ignorant de son ignorance est la maladie de l'ignorant. - Amos Bronson AlcottC'est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Les Caractères 1696, De la société et de la conversation, V, 76 - Jean de La BruyèreUne preuve bien certaine de l'infirmité de notre mémoire, c'est notre ignorance de l'avenir. Mon journal, leon bloy, édition robert laffont, coll. bouquins, 1999, p. 218 - Léon BloyPage 1 sur un total de 2 pages. <12345 - Idee - Idée - Identite - Idiot - Idiotie - Ignorance - Illusion - Image - Imaginaire - Imagination - Imbecile - Imitation - Impatience - Impossible - Impot - Impression - Improvisation - Inattendu - Indelicatesse - Independance - Indifference - Indigestion - Individu - Infini - Ingrat - Ingratitude - Injure - Injustice - Innocence - Inoubliable - Inquietude - Insomnie - Inspiration - Instant - Instinct - Insulte - Intellectuel - Intelligence - Interet - Intérêt - International - Internet - Interprete - Interrogation - Introspection - Intuition - Inutilite - Invitations - Invite - Ironie - Irresolution - Irriter - Islam - Ivresse Etendez votre recherche Citation ignorance Phrases sur ignorance Poèmes ignorance Proverbes ignorance Thématique proche IGNORANCE Citation bêtise Citation savoir Citation qualité Citation ignorance Citation ignorance et présence Citation ignorance et temps Citation ignorance et vie Citation ignorance et corps Citation ignorance et mort Citation ignorance et bonheur Citation ignorance et solitude Citation ignorance et donner Citation ignorance et confiance Citation ignorance et famille Citation ignorance et coeur Citation ignorance et malheur Citation ignorance et confidence Citation ignorance et complicité Citation ignorance et sympathie Citation ignorance et temps Citation ignorance et nature Citation ignorance et amitié Citation ignorance et beauté Citation ignorance savoirCitation ignorance et savoirCitation ignorance scienceCitation ignorance et scienceCitation origine du malCitation ignorance malCitation ignorance origine du malCitation ignorance connaissanceCitation ignorance sottiseCitation ignorance lacheteCitation ignorance bêtiseCitation ignorance et bêtiseCitation innocence ignoranceCitation naturel revient au galopCitation l'ignorance estCitation vertu richesseCitation ignorance est un manqueCitation ignorance du peupleCitation ignorance est la nuitCitation ignorance espritCitation ignorance pauvreteCitation une ignorance profondeCitation la_liberte commenceCitation ignorance finitCitation ignorance des causesCitation ignorance est un crepusculeCitation ignorance malCitation malheur a celuiCitation ignorance enfer paradisCitation silence et ignoranceCitation ignorance connaissanceCitation mystere_ignoranceCitation ignorance savoirCitation curiosite ignoranceCitation ignorance peurCitation peur haineCitation haine violenceCitation conquete ignoranceCitation ignorance bonteCitation defaut ignoranceCitation ignorance erreurCitation ignorance est la mereCitation et la mere de tous les vicesCitation intelligence ignoranceCitation ignorance tranquiliteCitation ignorance de la loi
Citationsfrançaises « la vrai science est une ignorance qui se sait » montaigne explication : Etre étranger, c'est sourire et opiner du chef, c'est lire sur les lèvres, juste pour le plaisir de s'assurer que ça ne change strictement rien. Etre étranger, c'est être sous l'eau quand d'autres vous parlent à la surface, les sons pénètrent, mais pas
La science n’explique pas tout ! Vous avez déjà entendu, lu ou prononcé cette sentence. Elle tombe dans un débat ou dans une discussion au moment où il faudrait avouer que l’on n’a pas d’argument pour soutenir une opinion sur un phénomène non expliqué voire non avéré. Elle abonde à la bouche de ceux qui veulent croire aux voyages astraux ou au pouvoir de guérison des pierres. Puisque la science n’explique pas tout, il faudrait accepter que leur conviction personnelle, souvent fondée sur des ouï-dire, est raisonnable. Il faudrait respecter leur opinion. Respecter est ici le maître mot, mais dans ce contexte il a le sens un peu particulier que l’on est prié de se retenir de critiquer, de questionner, de demander des preuves. Puisque la science a ses limites, alors on veut pouvoir croire à l’existence du Monstre du Loch Ness, mais surtout on veut pouvoir le dire sans recevoir de contredit. Au nom de la liberté. Sauf que non. Cela ne fonctionne pas de cette manière. Moi j’ai raison, parce que la science n’explique pas tout. » N’est pas un argumentaire très puissant. Tout ne s’explique pas ? Expliquer, ce n’est pas produire une agréable narration, un récit confortable, c’est décrire la chaîne causale d’événements qui produit le phénomène dont il est question. Expliquer est donc une tâche ardue qui nécessite de franchir d’innombrables obstacles entre la nature telle qu’elle existe dans son infinie complexité et notre compréhension de ce qui s’y passe. La science implique un travail laborieux, lent, et elle affiche des résultats imparfaits, souvent approximatifs. Mais ce sont des résultats fiables, et ce n’est pas rien. Pour frustrante que soit notre ignorance, il serait sage de ne pas oublier que le peu que l’on sait n’a pas été acquis par la transcommunication instrumentale, par le chamanisme, l’astrologie, la méditation ou la prière, mais bien par l’utilisation d’une méthodologie rationnelle et sans cesse raffinée. La science n’explique pas tout, mais ce qu’elle n’explique pas, on se demande bien qui saurait l’expliquer mieux, et comment l’on pourrait évaluer la validité de ce savoir. En effet une connaissance que l’on ne sait pas justifier est-elle toujours une connaissance ? Quand, deux fois par jour, une montre cassée indique l’heure exacte, en devient-elle fiable ? Science sans conscience, etc. Oui, nous connaissons Rabelais aussi. Celui qui dit la science a ses limites », pose souvent ce préambule à une affirmation sans preuve parfois elle est improuvable du reste que l’on devrait accepter pour vraie au nom de tout ce qu’on ignore sur l’univers. Ce sophisme se nomme l’appel à l’ignorance. On peut toujours se dire oui mais si jamais X est vrai, alors... » et imaginer des litanies de conséquences toute parsemées d’hypothèses ad hoc. Sur la base de ce que l’on ignore à propos de phénomènes hypothétiques, on peut construire des histoires cohérentes, c’est d’ailleurs le point de départ de beaucoup d’œuvres de fiction. Or, on ne demande pas à la fiction de nous décrire comment marche le monde, et en échange elle ne prétend pas le faire. On explique quand même pas mal de choses. Tout phénomène que les sens humains nous permettraient d’observer est accessible à l’expérimentation scientifique. Ce n’est pas forcément facile, cela peut nécessiter des protocoles complexes, longs, rébarbatifs, mais il n’y a aucune raison pour dire par exemple que la communication avec les défunts ou le voyage astral échapperait à la règle. Même des phénomènes réputés immatériels peuvent être étudiés, puisque ceux qui les rapportent sont faits de matière, possèdent un cerveau également fait de matière, et que l’on peut observer cette matière et mettre en place des protocoles dans lesquels le phénomène présumé a une action sur cette matière. La science n’explique pas tout » est alors un faux-fuyant qu’emploient ceux qui veulent continuer de croire en s’exonérant de tout effort pour prouver ce qu’ils disent. Bien sûr, rien ne les oblige à prouver ce qu’ils pensent, rien ne doit empiéter sur leur liberté de le penser. C’est un droit primordial. De même nous devons jouir de la liberté primordiale de rappeler à ceux qui voudraient convaincre les autres de la justesse de leurs thèses sur tel ou tel phénomène, qu’il existe un moyen connu, reconnu, éprouvé, pour eux de le faire. Ce n’est pas en vendant des livres, des conférences ou des films. Ce n’est pas en racontant des histoires sympathiques. Ce n’est pas non plus en dénigrant le travail des autres ou en jouant la victime offensée par le scepticisme légitime qui accueille leurs prétentions. Non, ce moyen de faire leurs preuves, c’est la pensée méthodique, rigoureuse, expérimentale, ouverte, réfutable. Bref, c’est la science qui prouvera l’existence de l’âme si l’âme existe ; c’est la science qui prouvera l’éventuelle existence de n’importe quel phénomène paranormal. On peut le dire avec une certaine assurance parce que c’est ce que nous enseigne l’histoire du savoir humain. Aucune connaissance apportée par la science n’a jamais été réfutée par une méthode magique ou par l’intuition. Quand une connaissance scientifique devient caduque, c’est toujours le résultat de plus de science. … Jusqu’à preuve du contraire. C’est pour ces bonnes raisons que vous ne pouvez vous attendre à voir les gens rationnels épouser votre opinion si vous ne vous astreignez pas à l’étayer avec des arguments vérifiables, avec des preuves réfutables. Et c’est pourquoi encore, si vous échouez à convaincre les sceptiques, la raison de cet échec est à rechercher en premier lieu dans l’hypothèse que votre opinion mérite d’être revue et corrigée.
B0Z7. w9v1dwohtd.pages.dev/242w9v1dwohtd.pages.dev/969w9v1dwohtd.pages.dev/708w9v1dwohtd.pages.dev/974w9v1dwohtd.pages.dev/455w9v1dwohtd.pages.dev/889w9v1dwohtd.pages.dev/316w9v1dwohtd.pages.dev/294w9v1dwohtd.pages.dev/303
la vraie science est une ignorance qui se sait